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Le jeûne désigne littéralement l'abstinence (imsâk). Au sens religieux du terme, le jeûne c'est l'abstention avec l'intention d'adoration. Cette abstention concerne la nourriture, les boissons, les rapports conjugaux ainsi que l'ensemble des « Mufattirât» (tout ce qui peut rompre) du lever de l'aube au coucher du soleil.

Le jeûne est ainsi un attribut négatif, puisqu'il consiste à s'écarter des choses qui pourraient le rompre. Il n'est donc pas un acte mais l'abandon d'un acte (tark). C'est pourquoi Allâh l'a retranché de Ses serviteurs et Se l'est rapporté à Lui-même, en déclarant que : "Toute ouvre accomplie par le fils d'Adam lui revient à l'exception du jeûne, car celui-ci est à Moi et Je donne sa rétribution."

Quel est le sens de ce hadîth « Qudsî » ?

Ce hadîth « Qudsî » rapporté par le Prophète (sws) d'après son Seigneur (swt), stipule : "Toute ouvre accomplie par le fils d'Adam lui revient à l'exception du jeûne" car toutes les autres ouvres accomplies par le serviteur sont sujettes à l'ostentation du fait qu'il s'agit d'ouvres apparentes et visibles.

Le jeûne quant à lui comporte des aspects intérieurs occultés au regard, des aspects cachés que nul ne sonde sauf Allâh. Il relève donc des ouvres qu'Allâh le Très-Haut est seul à connaître car consistant dans l'abandon d'un acte (tark). Il ne s'agit pas d'un acte existencié (wujudi) apparaissant aux regards et pouvant être accompli par les membres du corps : le jeûne est voilé pour tout autre qu'Allâh. Allâh le Très-Haut est seul à connaître sa présence chez le jeûneur.

Il ressort d'un hadit Qudsî que : « La purification (Al-Ikhlâç) est un "Mystère caché" parmi Mes secrets. Je la mets dans le cour du serviteur que j'aime Moi-même. Aucun Ange ne peut y parvenir pour dénombrer les bonnes actions, aucun Diable (Satan) n'a également la puissance à y avoir accès pour causer un quelconque dégât »

Commentant ce hadîth Qudsî lors d'une célébration de la nuit bénite du Katmiyya, le disciple véridique, Al Ustâz Sa'îd Nûru Guèye dit en substance: "«Al-Ikhlâç» représente le Secret du « Mystère insondable » donc de l'Absolue Transcendance Divine. Ainsi le terme «Ikhlâç», sous ce rapport, désigne-t-il Allâh dans sa Singularité Inaccessible aux créatures, une Totale Singularité au-delà des êtres, à jamais impénétrable à l'Ange et au Diable.
Si ce "Mystère caché" apparaît au « Cour saint » (Al-qalb salîm) du serviteur croyant il en expulse tout autre être qu'Allâh. Ainsi dans ce « Cour saint », l'Essence divine se retrouve-t-elle dans une intimité absolue, de sorte qu'il n'existe aucune créature qui l'y rejoigne.
Ceci mène à comprendre alors l'incapacité de l'Ange et du Diable à pénétrer voire prospérer dans cette résidence sacrée, cette enceinte scellée qu'est le «Cour sanctifié», tout simplement parce que l'Ange voue au Seigneur un respect (adad) si immense le réservant de s'approcher de Son Enceinte par peur de troubler Son intimité. Le Diable déchu quant à lui n'a nullement le courage ni la capacité de cohabiter avec Allâh.»

En d'autres termes, l'ange et le diable (Satan) sont en nous-mêmes. Ce sont des états spirituels. Si donc «Al-Ikhlâç», c'est-à-dire la Divinité Absolue et Transcendante, se manifeste à nous et réside en nous, Il s'ensuit l'effacement de notre trace et de notre individualité ainsi que l'anéantissement de toutes nos qualifications : angéliques comme démoniaques. Ce qui annihile en effet notre nature humaine (nâsûtî) pour ne laisser subsister que la nature divine (lâhûtî).

Envisagée dans une perspective ésotérique, on peut en guise de synthèse dire que :
. le jeûne représente « Al-Ikhlâç », car étant une ouvre sincère et exclusive, purement vouée pour La Face d'Allâh.
. le jeûne est « le Vase d'or » appartenant au Roi Allâh, et qui se trouve secrètement glissé par Lui-même dans le « sac de Son serviteur » c'est-à-dire dans le « cour saint de son bien-aimé », afin de pouvoir garder ce dernier auprès de Lui.
C'est ce que fait allusion Sa parole (Exalté soit-Il) :

"Celui dans le sac duquel Il sera trouvé, c'est Lui qui en constitue la rétribution!" (Cor. l2, 75). Pour ainsi dire que celui dans le sac de qui le vase d'or sera retrouvé, sera livré lui-même au propriétaire du précieux objet. Le jeûne est donc un piège pour attraper les âmes pieuses.
. le jeûne est une qualification "samadânienne" exprimant la transcendance à l'égard de la nécessité de se nourrir propre à la créature. Dès lors que le serviteur désire revêtir une qualification qui n'appartient pas à sa constitution véritable, Allâh lui dit: "Le Jeûne est à Moi" et non pas à toi, c'est-à-dire: "Je suis Moi Celui à qui il ne sied pas de manger et de boire. Puisque c'est en cela que le jeûne consiste et puisque tu t'y introduis du fait que Je te l'ai prescrit "c'est Moi qui en paie le Prix", car la qualification de transcendance à l'égard de la nourriture et de la boisson M'implique nécessairement ; toi, au contraire, tu t'en revêts alors qu'elle ne correspond pas à ton être véritable et qu'elle ne t'appartient en aucune manière; tu t'en pares dans l'état de jeûne et elle t'introduit auprès de Moi.
. Le jeûne consiste à préférer Allâh à soi-même, à se suffire entièrement à Lui, à ne subsister que dans , par et pour Lui en anéantissant sa propre réalité qu'est son âme animale et végétative qui, par sa constitution même et par sa modalité naturelle (tabi'a) lie et assujettit l'homme à la nourriture, au boisson et aux relations conjugales, pris comme les seules conditions de subsistance.
. Le jeûne est un exercice spirituel qui démontre à l'homme sa capacité de se priver pour un temps de ce qui lui semblait indispensable. C'est une ouvre expiatoire qui amène le serviteur à faire de sorte qu'Allâh Seul soit présent dans ses pensées et contenu dans son cour, conformément à Sa parole:« Ni Mon ciel, ni Ma terre ne peuvent me contenir ; mais peut me contenir le cour de Mon serviteur croyant ».
. Le jeune est une ouvre d'adoration dont le but est la recherche de la piété (At-Taqwâ) critère de supériorité d'un individu à un autre.
. Le jeûne est une ascension spirituelle qui amène à faire taire en chacun la tendance à la domination des autres, l'ostentation, la crainte d'autre qu'Allâh et toutes les formes insidieuses de l'appel du diable, seul véritable ennemi du genre humain.
Loin des se réduire à l'abstinence alimentaire, le jeûne exige donc de l'homme la mobilisation de tout son être. Le diplôme sanctionnant le jeune est une somme de vertus nourrissant le croyant durant le court séjour terrestre qui, rappelons-le, est une somme d'épreuves à laquelle seul le retour à Allâh mettra fin. Dans un monde où la matière devient l'unité de mesure sacralisée, le jeûne est là pour relativiser la conception dominante et pour fournir à ceux qui le désirent une arme à toute épreuve.

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